Réforme de la procédure d’appel : Les principales nouveautés applicables dès la rentrée 2017

Six ans après l’entrée en vigueur du décret n°2009-1524 du 9 décembre 2009 dit décret « Magendie », la procédure d’appel s’apprête à connaître de nouveaux bouleversements. En effet, le décret n°2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile, publié au Journal Officiel du 10 mai 2017, apporte des modifications importantes à cette procédure.

Ces modifications, dont l’objectif premier est d’accélérer la procédure d’appel et de limiter l’engorgement des juridictions, posent des règles strictes qu’il est important de maîtriser afin d’éviter des sanctions sévères telles qu’une caducité, une irrecevabilité ou encore une nullité pouvant, dans les cas les plus graves, mettre un terme brutal et définitif à la procédure.

Regard sur les principales nouveautés procédurales issues de cette réforme qui pour la plupart, entreront en vigueur au 1er septembre 2017.

1/ Nouvelles dispositions relatives à l’objet et l’effet dévolutif de l’appel

L’objet de l’appel est redéfini par le nouvel article 542 du Code de procédure civile (CPC) qui est désormais rédigé comme suit : « L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. » (surlignages en gras ajoutés). 

Il résulte de cette nouvelle formulation que si l’appel tend toujours à la réformation ou l’annulation du jugement de première instance, la cour d’appel ne peut cependant réformer que les chefs du jugement qui sont expressément critiqués par l’appelant.

Dans le même sens, le nouvel article 562 du CPC relatif à l’effet dévolutif dispose que l’appel ne défère à la cour que la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Il en résulte que la cour d’appel ne peut pas réformer les chefs du jugement qui ne sont pas expressément critiqués par l’appelant et ce, dès le stade de la déclaration d’appel. En effet, celle-ci doit notamment indiquer, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible (dans ces deux derniers cas, la dévolution s’opérant pour le tout) (article 901, 4° nouveau du CPC).

Ces nouvelles dispositions suppriment ainsi la faculté pour les appelants de mentionner dans leur déclaration d’appel qu’ils interjettent un « appel général », les chefs du jugement expressément critiqués devant être mentionnés et délimitant l’appel.

2/ Nouvelles dispositions relatives à l’irrecevabilité de l’appel

Si la déclaration d’appel a été frappée de caducité ou l’appel a été déclaré irrecevable, la partie appelante ne sera plus recevable à former un autre appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie dans le délai de forclusion (article 911-1 nouveau du CPC). Elle ne pourra donc que former un appel incident dans l’instance d’appel principal d’une autre partie (le cas échéant).

En outre, l’appel incident ou provoqué ne sera pas recevable si l’appel principal n’est pas lui-même recevable ou qu’il est caduc (article 550 nouveau du CPC).

3/ Nouvelles dispositions relatives aux délais

Dans le cadre de la procédure d’appel avec représentation obligatoire (principalement visée par la réforme et seule étudiée dans le présent article), les délais impartis aux parties pour notifier leurs écritures sont harmonisés.

Dans le cadre du circuit long, si l’appelant disposera toujours d’un délai de trois mois pour notifier ses conclusions (sous peine de caducité de la déclaration d’appel), l’intimé bénéficiera désormais de trois mois également à compter de la notification des conclusions de l’appelant (au lieu de l’actuel délai de deux mois), pour notifier ses propres conclusions et former le cas échéant, appel incident ou provoqué (articles 908 et 909 nouveaux du CPC) ou encore, pour demander la radiation du rôle de l’affaire si le jugement, bien qu’assorti de l’exécution provisoire, n’a pas été exécuté par l’appelant (article 526 nouveau du CPC). Le non-respect de ce délai restera sanctionné par une irrecevabilité relevée d’office de ses écritures.

De même, disposeront d’un délai de trois mois (au lieu de l’actuel délai de deux mois) pour notifier leurs conclusions sous peine d’irrecevabilité soulevée d’office :

  • l’intimé à un appel incident ou provoqué (le délai courant à compter de la notification qui lui sera faite dudit appel incident ou provoqué),
  • l’intervenant forcé à l’instance d’appel (le délai courant à compter de la date à laquelle la demande d’intervention formée à son encontre lui aura été notifiée),
  • l’intervenant volontaire à l’instance d’appel (le délai courant à compter de la date de son intervention volontaire).

Enfin, des délais très courts encadrant la notification des actes sont introduits dans le cadre de la procédure d’appel à bref délai, applicable aux affaires urgentes ou en état d’être jugées, ou encore aux appels d’ordonnances de référé ou en la forme des référé (cette dernière disposition étant nouvelle), ou enfin aux ordonnances du juge de la mise en état (article 905 nouveau du CPC) :

  • l’appelant devra signifier à l’intimé la déclaration d’appel dans les dix jours de la réception de l’avis de fixation adressé par le greffe, à peine de caducité de la déclaration d’appel relevée d’office (article 905-1 nouveau du CPC),
  • l’appelant disposera d’un délai d’un mois à compter de la réception de l’avis de fixation de l’affaire à bref délai pour notifier ses conclusions à peine de caducité de la déclaration d’appel (article 905-2 nouveau du CPC),
  • l’intimé disposera à son tour d’un délai d’un mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant pour notifier ses conclusions à peine d’irrecevabilité relevée d’office (article 905-2 nouveau précité),
  • l’intimé à un appel incident ou provoqué, l’intervenant forcé et l’intervenant volontaire à une procédure à bref délai disposeront du même délai d’un mois pour notifier leurs écritures (le point de départ étant le même que dans le cadre du circuit long susvisé) (article 905-2 nouveau précité).

L’irrecevabilité des conclusions du fait du non-respect de l’un des délais susvisés entraînera l’irrecevabilité des pièces communiquées au soutien de ces conclusions (article 906 al. 2 nouveau du CPC).

Les délais susvisés seront toutefois interrompus en cas de décision ordonnant une médiation et ce, jusqu’à l’expiration de la mission du médiateur (article 910-2 nouveau du CPC).

Enfin, le décret introduit la possibilité pour le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état d’écarter l’application des sanctions prévues en cas de non-respect des délais susvisés découlant d’un fait de force majeure[1] (article 910-3 nouveau du CPC).

4/ Nouvelles dispositions relatives aux conclusions

4.1/ Principe de concentration des moyens

Toujours dans le but d’accélérer la procédure et d’éviter les attitudes dilatoires, les parties devront désormais, dès leur premier jeu de conclusions notifiées dans les délais susvisés (cf. 3/ ci-dessus), présenter l’ensemble de leurs prétentions sur le fond, le non-respect de cette disposition étant sanctionné par une irrecevabilité relevée d’office (article 910-4 al.1 nouveau du CPC).

Toutefois, afin de tenir compte de l’évolution du litige, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou révélation d’un fait, pourront être ajoutées dans des conclusions ultérieures et ce toujours dans les limites des chefs du jugement critiqués (article 910-4 al.2 nouveau du CPC).

4.2/ Encadrement de la forme des conclusions

La présentation formelle des conclusions sera davantage encadrée. Ainsi, les écritures d’appel devront comporter (article 954 nouveau du CPC) :

  • sur leur entête les indications prévues par l’article 961 nouveau du CPC relatives aux parties et permettant d’identifier celles-ci précisément,
  • outre les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les pièces invoquées à l’appui de chaque prétention et leur numérotation,
  • un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et moyens, et un dispositif récapitulant ces prétentions. L’ensemble de ces éléments devront apparaître de manière formellement distincte dans les conclusions.

Les autres dispositions encadrant actuellement la forme des conclusions, et notamment le principe des conclusions récapitulatives qui implique que les parties doivent reprendre dans leurs nouvelles écritures leurs prétentions et moyens précédemment développés sous peine de voir ces derniers réputés abandonnés, perdurent (article 954 nouveau précité).

Le Conseiller de la Mise en Etat a compétence exclusive pour enjoindre aux parties de se mettre en conformité avec les articles 954 et 961 du CPC.

Enfin, si la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif, il est désormais prévu qu’elle n’examinera en outre les moyens développés au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion des conclusions (article 954 al.3 nouveau précité).

4.3/ Notification des conclusions

Si la notification des conclusions à la cour d’appel par voie électronique reste la règle à peine d’irrecevabilité relevée d’office, il sera désormais possible de transmettre un acte par lettre recommandée avec avis de réception lorsque celui-ci ne pourra être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l’accomplit. Jusqu’à présent, dans ce cas de figure, il était seulement possible de remettre l’acte sur support papier au greffe. Ces nouvelles dispositions offrent ainsi davantage de souplesse aux parties et à leurs Conseils.

5/ Nouvelles dispositions relatives à l’appel sur renvoi après cassation

Le délai de saisine de la cour d’appel de renvoi après cassation sera réduit de quatre à deux mois à compter de la notification à partie de l’arrêt de cassation (article 1034 nouveau du CPC).

En outre, lorsque l’affaire relevait de la procédure ordinaire, la procédure de renvoi devant la cour sera d’emblée fixée à bref délai.

Dans ce cas, l’auteur de la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi disposera de dix jours à compter de la notification par le greffe de l’avis de fixation pour signifier la déclaration de saisine aux autres parties à peine de caducité de ladite déclaration.

L’auteur de la déclaration, les parties adverses, l’intervenant forcé et l’intervenant volontaire disposeront chacun d’un délai de deux mois pour notifier leurs conclusions (le point de départ de ce délai étant identique à celui applicable à chacune des parties dans le cadre du circuit long – cf. 3/ ci-dessus) (article 1037-1 nouveau du CPC).

En cas de non-respect de ce délai :

  • par l’auteur de la déclaration ou les parties adverses, celles-ci seront réputées s’en tenir aux moyens et prétentions qu’elles auront soumis à la cour dont l’arrêt a été cassé ;
  • par l’intervenant forcé ou volontaire, les conclusions d’intervention de ces derniers seront sanctionnées par une irrecevabilité relevée d’office.

6/ Suppression du contredit de compétence

La réforme met fin au régime du contredit de compétence en soumettant à l’appel les décisions tranchants des exceptions d’incompétence.

Ainsi, lorsque le juge de première instance se sera prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision pourra faire l’objet d’un appel (article 83 al.1 nouveau du CPC). Il en est de même si le jugement de première instance se prononce sur une question de compétence et a ordonné une mesure d’instruction ou provisoire (article 83 al.2 nouveau précité).

Le délai d’appel sera de quinze jours à compter de la notification du jugement par le greffe (article 84 al. 1 nouveau du CPC). L’appelant devra, à peine de caducité de sa déclaration d’appel, saisir dans le délai précité le premier président de la cour aux fins d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire (article 84 al. 2 nouveau précité).

La déclaration d’appel devra indiquer, outre les mentions susvisées (cf. 1/ ci-dessus et article 901 nouveau du CPC), qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et devra, à peine d’irrecevabilité, être motivée. Les motivations de l’appel pourront toutefois figurer soit dans la déclaration elle-même, soit dans les conclusions jointes à cette déclaration (article 85 nouveau du CPC).

Les dispositions relatives à la faculté d’évocation de la cour, lorsque celle-ci est juridiction d’appel relativement à la juridiction qu’elle estime compétente et qu’elle estime de bonne justice de donner elle-même à l’affaire une solution définitive, sont maintenues (articles 88 et 89 nouveaux du CPC).

7/ Entrée en vigueur

Le décret du 6 mai 2017 a été publié au Journal Officiel le 10 mai 2017 et entre en vigueur le 1er septembre 2017.

En outre, un second décret n°2017-1227 du 2 août 2017 est venu préciser et modifier certaines dispositions du décret du 6 mai 2017 relatives aux modalités d’entrée en vigueur de celui-ci.

Il en résulte que les dispositions relatives aux exceptions d’incompétence entrent en vigueur le 1er septembre 2017 et s’appliquent aux décisions rendues à compter de cette date.

En outre, les dispositions relatives à l’effet dévolutif de l’appel, ainsi que celles qui modifient les règles de forme et les délais assortis de sanctions, sont applicables aux appels formés à compter du 1er septembre 2017.

Enfin, les dispositions relatives au renvoi après cassation, qui réduisent la durée de saisine de la cour d’appel de renvoi, s’appliquent aux arrêts de cassation notifiés à compter du 1er septembre 2017. Et les dispositions encadrant la procédure sur renvoi dans des délais impératifs s’appliquent aux instances consécutives à un renvoi après cassation lorsque la juridiction de renvoi est saisie à compter du 1er septembre 2017.


[1] L’article 1218 du Code civil issu de l’Ordonnance du 10 février 2016 relative à la réforme du droit des obligations définit la force majeure comme « un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur »

Stéphanie Yavordios

Juillet 2017